Le plus célèbre des ministres du roi Louis-Philippe est un Normand d’adoption. La politique le parachute en Pays d’Auge. Guizot y reste quarante ans, résidant dans une ancienne abbaye.
La rencontre entre la Normandie et François Guizot (1797-1874) est le fruit du hasard.
Un parachutage à Lisieux
Il est né à Nîmes, a vécu son adolescence à Genève et poursuit une carrière de professeur d’histoire à la Sorbonne.
Reconnu comme un libéral et donc opposant au roi Charles X, Guizot compte se présenter aux élections législatives de 1830. Il parvient à trouver un siège vacant dans la circonscription de Lisieux et, sans y avoir mis les pieds, gagne sa place de député. Expliquons qu’à l’époque la nature censitaire du suffrage réduit la nécessité de faire campagne sur le terrain. Peu après, éclate la Révolution de 1830 qui chasse l’impopulaire Charles X et offre le trône au prince Louis-Philippe d’Orléans. Aussitôt le nouveau roi choisit Guizot comme ministre.
Ministre du roi Louis-Philippe
La carrière politique de Guizot reste attachée à Louis-Philippe Ier dont il est successivement le ministre de l’Intérieur, le ministre de l’Instruction publique, l’ambassadeur à Londres, le ministre des Affaires Étrangères avant d’accéder à la plus haute fonction en 1847 : président du Conseil (l’équivalent de premier ministre). Durant ses 15 ans au service du roi bourgeois, il conduit plusieurs réformes importantes à tel point qu’il peut être considéré comme un des gouvernants les plus marquants du XIXe siècle. Cependant, son opposition à la République a entaché sa mémoire.
En tant que ministre de l’Instruction Publique, c’est pourtant lui qui contraint toutes les communes à se doter d’une école primaire. Une action qui préparera cinquante ans plus tard les lois de Jules Ferry sur l’obligation et la gratuité scolaire. La mise en place d’une École Normale pour assurer la formation des professeurs dans chaque département est une de ses honorables initiatives comme la formation d’un corps d’inspecteurs pour contrôler l’enseignement dans les classes.
On lui doit également la création de l’Inspection des Monuments Historiques. Ainsi seront sauvés de nombreux éléments du patrimoine français.
Ministre des Affaires Étrangères, il construit la première Entente Cordiale avec l’Angleterre. Ce rapprochement diplomatique avec l’ennemi traditionnel du pays se concrétise par la visite de la reine Victoria à Eu, dans le château de Louis-Philippe.
L’installation de Guizot en Normandie
En 1836, le Parisien François Guizot se décide à s’implanter dans la région qui l’a élu. Il fait l’acquisition d’un domaine en plein cœur du pays d’Auge. Il s’agit du Val-Richer. Le nouveau propriétaire est sous le charme : la maison est une ancienne abbaye cistercienne ; il y a autour des bois, une source et un ruisseau qui traverse les prés. En tout 175 ha. C’est une mise au vert pour le ministre de Louis-Philippe : il va pouvoir arranger une maison, planter des arbres et regarder la nature qui l’entoure.
Si la révolution de 1830 a amené Guizot au pouvoir, celle de 1848 le contraint à la retraite politique. Symbole du conservatisme, principal serviteur de Louis-Philippe, il chute en même temps que son maître.
Après un exil de 16 mois en Angleterre, il regagne Val-Richer qui devient dès lors sa principale demeure. Dans ce lieu tranquille, il peut donner libre cours à l’écriture historique, sa grande passion. S’appuyant sur sa bibliothèque personnelle – elle renferme près de 20 000 ouvrages – il multiplie les publications sur l’histoire de l’Église et de l’Angleterre. Entouré des siens, il prend plaisir à conter à sa famille les grands événements et personnages de l’histoire de France. L’éditeur Hachette le convainc d’en faire plusieurs livres qui connaîtront le succès sous le nom d’Histoire de France racontée à mes petits-enfants.
François Guizot meurt dans son domaine normand à l’âge de 86 ans. Sa tombe se trouve dans le cimetière du petit village voisin, Saint-Ouen-le-Pin. Ses descendants possèdent toujours le Val-Richer.
Pour approfondir