Très large et très longue, la cathédrale Notre-Dame de Rouen a surtout été pendant quelques années le plus haut monument du monde. Mais ce n’est pas son seul intérêt.
Ses impressionnantes dimensions traduisent le haut rang de l’archevêque de Rouen, primat de Normandie. L’édifice est aussi à la mesure de l’importance de Rouen, capitale de l’ancien duché de Normandie et longtemps deuxième ville du royaume de France.
Une cathédrale tôt construite, tard terminée.
A regarder le monument, Notre-Dame de Rouen n’a pas l’homogénéité des cathédrales de Reims ou de Paris. Et pour cause, elle résulte d’une multitude de campagnes de construction et de reconstruction, n’affectant à chaque fois qu’une partie de l’édifice.
Le chantier a commencé au plus tard au temps des Romains. On sait en effet que Rouen avait un évêque dès le IVe siècle. D’ailleurs, dans les années 1990, l’archéologue Jacques Le Maho a retrouvé les fondations d’une église de cette époque, à proximité immédiate de la cathédrale. L’ancêtre de la cathédrale ? Plus sûrement, la cathédrale primitive doit se trouver dans les sous-sols de la cathédrale actuelle. Il n’empêche que cette église du IVe siècle est aujourd’hui le plus ancien monument chrétien de Normandie.
Le bâti actuel de la cathédrale date surtout du XIIe et de la première moitié du XIIIe siècle mais la cathédrale n’acquiert sa physionomie définitive que dans le dernier quart du XIXe siècle, après l’érection de la haute flèche en fonte. Malgré les différents styles architecturaux qui définissent chaque partie, les architectes successifs ont miraculeusement su donner au monument un certain équilibre et grosso modo une symétrie à la façade.
L’église des ducs de Normandie
A quelques kilomètres de là, du haut de la côte Sainte-Catherine, on se rend compte de la taille considérable du monument : avec ses 144 m de long, ses 151 m de haut, il écrase et domine la ville. Il fallait un édifice à la mesure du territoire de l’archevêché, comprenant les diocèses de Rouen, d’Évreux, de Lisieux, de Sées, de Bayeux, de Coutances et d’Avranches, autrement dit la Normandie entière. Il fallait aussi un édifice en rapport avec le rôle de Rouen, capitale du duché de Normandie. Le sanctuaire conservait les attributs ducaux (couronne, épée, anneau d’or). Le chœur abrite encore les gisants de trois ducs de Normandie (Rollon, Guillaume Longue Epée, Richard Cœur de Lion). Malgré l’annexion du duché par le roi de France en 1204, Rouen resta un centre important. Elle fut jusqu’au XVIe siècle la seconde ville du royaume, après Paris.
Le plus haut monument du monde… pour quelques années
A la suite d’un incendie qui fit fondre la flèche de plomb et de charpente au-dessus de la tour de croisée, l’architecte Jean-Antoine Alavoine proposa de la remplacer par une flèche en fonte, audace architecturale pour cette époque (nous sommes en 1823). Viollet-le-Duc, choqué par l’introduction de ce matériau moderne, s’y opposa avec acharnement. Il fallut attendre plus de cinquante ans pour que le projet d’Alavoine soit entièrement réalisé. Cette prouesse permit par ailleurs à Notre-Dame de Rouen de devenir pour quelques années le monument le plus haut du monde grâce à ses 151 mètres de hauteur. Aujourd’hui elle reste la plus haute église de France.
Les chanoines, les tauliers de la cathédrale
Derrière cette œuvre considérable, il est tentant de mettre en avant le rôle bâtisseur des archevêques de Rouen, d’autant que le siège a été occupé par des prélats de renom (Louis de Luxembourg au XVe siècle, Georges d’Amboise à la Renaissance), souvent promus au rang de cardinal. Mais ce serait négliger les véritables maîtres de la cathédrale : les chanoines. Au nombre de cinquante, ce sont ces religieux qui décidaient des travaux à entreprendre et prévoyaient leur financement. Ce sont eux qui, en chantant chaque jour les heures canoniales dans le chœur, occupaient l’édifice, plus que les archevêques souvent absents de la ville. Ce sont les chanoines qui définissaient la vie liturgique du monument, organisant les grandes fêtes religieuses et les processions.
Le privilège de Saint-Romain
L’une des dates importantes du calendrier était l’Ascension. A cette occasion, les chanoines graciaient un condamné à mort qui croupissait dans les prisons rouennaises. Ce privilège exceptionnel (seul le roi a théoriquement droit de grâce pour les peines capitales) était censé rappeler un épisode légendaire de l’histoire de la ville. Au VIe ou au VIIe siècle, un monstre aquatique appelé la Gargouille vivait au-delà des murs de la cité, d’où il terrorisait les habitants en les dévorant et en coulant leurs bateaux. L’archevêque de Rouen, saint Romain, se décida à intervenir mais il ne trouva qu’un condamné à mort pour l’accompagner jusqu’au repaire de la Gargouille. Le prélat prit la bête et lui mit son étole autour du cou. Aussitôt la Gargouille perdit toute férocité. Saint Romain laissa le prisonnier emmener le monstre jusque dans la ville où il fut brûlé.
Même si les chanoines ont disparu, l’histoire de la cathédrale continue à s’écrire. En 1999, la grande tempête arracha un clocheton de la flèche en fonte, qui s’écrasa sur le chœur. Cet accident révéla la fragilité de ces constructions. Les autres clochetons ont été démontés, restaurés et consolidés. Ils viennent en 2013 d’être reposés au sommet du monument.
Pour approfondir :
- Visiter la cathédrale avec l’office de tourisme
- Visiter virtuellement la cathédrale sur le site de Jacques Tanguy
- Le top 10 des plus belles cathédrales de France selon L’Express
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Lire le beau livre : Chaline Jean-Pierre, Lescroart Yves et Vincent Catherine, Rouen: primatiale de Normandie, Strasbourg, France, la Nuée bleue, 2012.
Respect pour les constructeurs de ce monument.
de purs païens ! on y trouve des symboles runiques viking !